vendredi 29 mai 2009

Entreprise à visage humain


Avec le RSA, je suis obligé de prouver que je fais tout pour travailler. Et c'est vrai, honnêtement, j'arrête pas. Le truc, c'est que l'organisme de contrôle ne valide pas les boulots gratuits. C'est dommage, parce que sinon, j'aurais sans doute droit à 296 RSA d'un coup, comme ça. Mais c'est pas grave, je lis VSD et ses articles PENDANT-LA-CRISE-NOS-TRUCS-POUR-CONSOMMER-MALIN, je me sens vivant, c'est bien. L'optimisme paie, c'est connu. Du coup, Dieu m'a récompensé en me filant du travail payé. Enfin, mal payé, hein, mais c'est l'intention qui compte. Il s'agissait d'aider un copain à photographier des gens dans une grande entreprise. Un groupe de gens, plus précisément. La responsable Com de la grande entreprise voulait améliorer l'image de sa grande entreprise en montrant ses salariés, histoire de signaler aux clients de la grande entreprise qu'en fait, vraiment, on vous jure, il y a des gens qui travaillent ici, et vous avez affaire à eux, on n'est pas des numéros, enfin quoi bon. Bref, six types à shooter vite fait pour un budget ridicule, avec un DA collé aux basques.
Le brief était clair: portaits poitrine-tête, fond blanc, en groupe. A priori, rien de bien difficile. Je sors mes deux flashs, je les pointe sur le plafond et je cale tout au maximum histoire de doucher mes modèles version boîte à lumière. On les colle au mur blanc d'une salle de réunion et hop, plié en vingt minutes.
Sauf que.
Sauf que le DA (Un DA, une balle) change d'idée le jour J. On débarque, on installe le matériel et le DA s'emballe :

— En fait, on va changer un peu.
— Changer ? Changer quoi ?
— On va les photographier en pied, ça sera plus dynamique.
— En pied ? T'es con ? J'ai pas de recul dans cette putain de salle de réunion. On avait dit poitrine-tête. En plus, t'as vu la moquette noire ? Et les plinthes ? Comment je fais pour les photographier en pied sans fond blanc ?
— Pas grave, avec Photoshop, ça se règle.
— Pas de souci, je te facture aussi une journée de post-prod, alors ?
— Ah non, c'était pas prévu, ça.
— Super, on fait comment, alors ?
— Ben, tu les shootes en pied, ça sera plus dynamique.

C'est bête, j'avais vraiment besoin de ces 9,27 Euros. Du coup, j'ai grommelé pour la forme, j'ai baissé la tête et on a fait la photo comme ça.
On a envoyé les résultats au DA, sans post-prod, évidemment. Il a trouvé que la moquette, c'était pas terrible, que franchement, moyen, hein, mais bon. Mon copain lui a suggéré de recadrer poitrine-tête, comme c'était prévu au départ. Le DA a soupiré, il a dit ouais bon ok et il a raccroché. Soixante jours plus tard, je touchais mes 9,27 Euros. Je n'ai jamais vu les photos. Je n'ai jamais retravaillé pour cette grande entreprise, mon copain non plus. Je suis tombé sur les bénéfices de la grande entreprise dans un journal consacré à l'économie. Ça va pour eux, merci.


jeudi 7 mai 2009

C'est interdit, on t'a dit !



Comme je n'ai rien à foutre ces derniers temps, rapport à la crise qui fait dire à mes iconos préférées Houlà, tu sais, c'est dur en ce moment, je ne sais pas si on pourra te payer, sur ce coup, j'ai décidé de me remettre au sport, histoire de mieux later la face à ces putains de photographes qui me bousculeront lors de la prochaine manif parce que j'ai eu le malheur de rentrer dans le champ. Comme le photographe est profondément crétin par nature, ya que les muscles qui lui font piger que non, vraiment non, mieux vaut pas l'emmerder, celui-là. Et comme je suis un indéfectible bourgeois, quand je fais du sport, je ne vais pas à l'Aquaboulevard avec la plèbe de banlieue, plutôt crever. Non, moi je vais à la belle piscine de la rue de Pontoise, dans le cinquième arrondissement de Paris, monument historique, beau bâtiment, tout ça. Tellement beau, d'ailleurs, ce bâtiment, qu'en me changeant, je dégaine mon appareil (un compact argentique, hein, c'est tellement hype d'avoir ça dans la poche) pour faire une photo du bassin, comme ça, pour le plaisir. Rappel à l'ordre immédiat du cerbère de service qui joue super bien son rôle de milicien serbe : PAS DE PHOTOS ! NON, PAS DE PHOTOS ! C'EST INTERDIT !
Rien à foutre, hein, alors je fais quand même mon cliché, avant de lui faire signe Ah oui, désolé, je savais pas, pardon. Milosevic arrive rapidement et me rappelle que non, décidément non, c'est super interdit de prendre des photos. Du coup, avec un grand sourire, je demande pourquoi. Silence. Long silence. En fait, il ne sait pas. Non, lui, il répète ce qu'on lui a dit, fort de son autorité toute récente, ce que j'appelle le syndrôme du caporal et que je croise régulièrement dans les manifs, justement. Quand un cameraman quelconque investi de sa mission sacrée estime normal de gueuler sur les photographes qui lui passent devant parce que, quand même, c'est la télé, hein, c'est autre chose. Mais je dois vieillir. Je n'ai pas emplafonné Milosevic. Je me suis contenté de sourire, de redire à quel point j'étais désolé, tout ça. Ensuite, il s'est barré, alors j'ai fait d'autres photos. Tiens, j'en publie une ici. J'espère de tout coeur avoir un procès pour cette atteinte au droit à l'image, au droit à je sais pas bien quoi mais on sait jamais. Beau bassin, vraiment.