vendredi 12 décembre 2008

Ma vie dans un grand mensuel


— Salut [—], c'est [—], tu te souviens ? Je suis rédacteur à [—], on avait bossé ensemble sur les réfugiés soudanais au Tibet.

— Oui, bien sûr, comment ça va ?

— Bien, Et toi ? Dis-moi, je t'appelle parce que j'ai un papier à faire sur le développement durable au Congo. J'y pars dans trois jours et—

— Et tu as pensé à moi pour les photos, c'est sympa !

— Euh... Non, en fait, on n'a pas le budget. Du coup, c'est moi qui vais les faire, les photos.

— Ah ? Mais t'es pas photographe ?

— Oui, je sais bien, c'est ce que je leur ai dit, mais tu les connais, hein ? Du coup, je me disais que tu aurais peut-être un ou deux conseils à me filer.

— Un conseil ?

— Oui, pour assurer les photos, tu vois, les erreurs à éviter, tout ça. Ah, et puis ils m'achètent un appareil pour l'occasion. J'ai 400 €. Tu me conseilles quoi, comme compact, un truc simple, hein ? Allo ? Allo ? Alloooooo ?
[—]

mardi 9 décembre 2008

Le Goulag.


Pour me nourrir et occasionnellement cesser de voler dans les supermarchés, je fais régulièrement ce genre de photos, réceptions, conférences, remises de médaille. J'ai un ami basé à Londres, c'est le plus grand photographe de la terre. Pour manger, il fait des packshots de téléphones portables Nokia. Un soir de dépression quotidienne, il m'a dit d'un ton lassé qu'il était dans un secteur de la photo très connu, mais jamais vraiment cartographié : La Sibérie de la photographie. J'ai trinqué avec lui, j'ai soupiré, j'ai allumé une cigarette (à l'époque, on avait le droit), et je n'ai rien répondu.

mercredi 3 décembre 2008

Combien de dents ?




Bon, soyons honnêtes, je suis toujours très sensible aux dents des gens, c'est comme ça. Dans mon métier, il m'arrive de photographier des ministres, ce genre de chose. Dans ces cas-là, je suis très attentif à leurs dents. Et à leurs chaussures, aussi. Valéry Giscard d'Estaing, par exemple, à des mocassins à grelots particulièrement ridicules. Il faut absolument que je retrouve la photo. Roselyne Bachelot, elle, a un sacré dentier. Je ne suis pas spécialiste, bien sûr, mais là, à la volée, je repère au moins trois couronnes. Si on cumule les soins (entre 5 et 10 séance pour UNE couronne) et le prix (entre 1200 et 2000 € pour UNE couronne, le tout très très très chichement remboursé par la sécurité sociale), j'en déduis que Roselyne Bachelot, par ailleurs Ministre de la Santé, possède une super mutuelle privée. Ou un mari dentiste. Ou une fortune personnelle.

Sacrés journalistes !


Ce qui est assez paradoxal avec les journalistes, c’est plein de choses… Mais l'un des trucs les plus caractéristiques, par exemple, c'est leur relation avec la police… Quand tout va bien, ils pompent intégralement leurs comptes-rendus sans trop se poser de question… Je ne donnerai pas d’exemple, ça crève les yeux tous les jours dans n’importe quel journal.
De temps en temps, lorsqu’il y a un abus de pouvoir de la part des forces de l'ordre, on a droit à un entrefilet entre deux pubs… Mais il faut attendre qu’un ex-pédégé de quotidien se fasse arrêter chez lui pour que nos bien aimés rédacteurs comprennent enfin que ce n’est pas marrant de se faire extirper du lit à l’aube, que la police a parfois des méthodes pas super cools, limite dures… Faut dire qu'ils habitent rarement à Cergy, les journalistes... C'est peut-être pour ça...
Ils sont forts, quand même, si ça continue, on aura des titres dans la presse du genre : « quand il pleut, ça mouille ».

vendredi 28 novembre 2008

Gros Wikiki ?


Il ne faut pas croire que toutes les iconos et les rédac photos me sont antipathiques ni que tous les photographes me sont sympathiques. Dans cette profession, il y a un sacré paquet de mecs imbus de leur personne tout à fait incroyable. En même temps, c’est peut-être comme ça qu’on réussit… En ce qui me concerne, je ne sais pas comment on fait, je suis au RMI. Mais je publie des photos dans des journaux de renom, en même temps, c’est pas fou, la vie ?
J’imagine que ceux qui font preuve d’une certaine aérophagie dépassant leur séant gagnent au moins de quoi se payer un Nikon D3…Sinon à quoi bon ?
D’un autre côté, un photographe comme David Burnett (que j’ai eu l’occasion de rencontrer une fois) n’est absolument pas prétentieux… C’est un type souriant qui fait des blagues débiles tout à fait disposé à discuter avec le premier inconnu venu. Un gars sympa qui n’a pas de Wikipedia à son nom (en français), par exemple… Pas comme d’autres… Il y a des photographes, en France, qui ont leur wikipédia, qui sont vivants et à qui il ne faut pas manquer de respect… Je prends pour exemple un post que j’ai lu sur le blog de Frozen Piglet :

« Peut-être que le jour où tu auras effectué la moitié de mon parcours, tu signeras enfin tes posts — là, il donne le lien vers un article sur lui dans wikipedia —(…)
Bref, vous penserez à tout cela lorsque vous me saluerez avec de grands sourires la prochaine que vous me croiserez. Sinon, faute de ne pas assez fréquenter les bars du 11e, je demande ici, FT, de dégager les deux posts de merde de cette liste. »

Quand on s’énerve, on écrit des conneries, et après, on regrette. J’imagine que c’est le cas ici. Parce que sortir un truc aussi prétentieux, quand même, faut oser.
Je précise en passant que le monsieur ne répondait pas à l’un de mes messages, mais à un autre que je n’ai malheureusement pas pu lire. L’auteur du blog (qui fait ce qu’il veut, hein, il est chez lui, quand même) l’ayant effacé. Bref, dans cet échange de haut vol, je ne suis que lecteur.
Du coup, moi qui ne connais ce « grand photographe » que de nom, j’ai été voir son gros wikiki… Il en a fait des trucs… Il est prof, il est photojournaliste, et il pense plein de trucs qu’il a mis en citation.
Ceci dit, je me demande pourquoi ce « grand photographe » n’a pas signalé sur son palmarès qu’au moment où il commençait à présider un syndicat censé représenter les photographes indépendants, il était distribué par Corbis. Ce n’est pas sur son wikiki, ça, c’est sans doute sans importance…
Bon, d’accord, des trucs contradictoires, on en fait tous… Moi, par exemple avec mon RMI, des fois, je vais au MacDo alors que je déteste les multinationales…C’est vrai… Ok.

vendredi 21 novembre 2008

Icono mon amour (4)


J'aime beaucoup la presse française. Direct Soir, notamment, propriété de M. Bolloré, propriétaire de Direct 8, la chaîne, propriétaire de plein de trucs, donc un chouette yacht qu'il prête à l'occasion au président de la république, son ami. En Allemagne, en Espagne, deux pays dangereusement anti-démocratiques, la législation interdit aux entreprises de presse d'avoir des intérêts dans l'industrie. Pas chez nous. Nous, on sait faire la différence entre collusion et simple rencontre. Ockrent, Léa Drucker, Schönberg et quelques autres nous le rappellent tous les jours. Aussi, quand, en pleine crise dans l'éducation nationale, Bolloré fait la Une de Direct Soir avec Xavier Darcos qui fonce vers le lecteur d'un air décidé, volontaire et, pour tout dire, avenant, le tout balancé avec le joli titre "Darcos, déterminé face à la grève," j'ai envie d'éclater de rire. Pas de bol, j'ai les lèvres gercées, alors j'évite de sourire, ça fait mal. J'ai pas fait tout un mémoire sur l'orientation politique des journaux révélée par leur iconographie sans que ça laisse des traces. Si j'avais du temps à perdre, je passerais bien un coup de fil à l'icono, histoire de savoir si il-elle se rend compte à quel point on fabrique l'histoire.

jeudi 20 novembre 2008

Icono mon amour (3)


Aaaah, Debora, comment te faire part de mon trouble ?
[Debora Altman s'occupe de la photo, au Figaro, NDLR]
Je pourrais te pardonner cette manipulation, car c'en est une.
Je pourrais te pardonner l'enjeu politique que tu défends tous les jours en jurant le contraire.
Je pourrais te pardonner cette monumentale bourde (au fait, la bague vaut 15000 €, c'est pas moi qui le dit, c'est l'Express), tellement énorme qu'elle en est drôle.
Mais ce que je ne pardonne pas, c'est la façon dont tu te défends :

On a bouclé dans l'urgence, on assume [...]

Ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah !
ah ah ah !

aha !

ah.

Pourtant, ça prend du temps, quand même, de retoucher ce doigt. Je veux dire, plus que choper une autre image pour pas cher. Sauf que celle-ci est signée François Bouchon / Le Figaro. Pas de frais supplémentaires, donc (qu'en pense l'intéressé, d'ailleurs ?). Bref, retouchons.

J'ignore si Le Figaro va retoucher ton CDI, Debora. Mais je crois savoir qu'au dernier étage, il y a Étienne Mougeotte, non ?
On n'en est plus à une manipulation près, pas vrai ?
Non, je dis ça, c'est pour t'aider à préparer ta défense le jour de l'entretien.
Bon courage, hein.

lundi 27 octobre 2008

Icono mon amour (2)

Dialogue entre un prêtre et un moribond.


- bonjour, je viens vous présenter ce travail parce que je pense qu'il correspond à la ligne éditoriale de votre magazine...

- Vous savez en ce moment, on n'a pas d'argent pour produire...

(Heu... T'es sourde ? Le sujet est déjà produit)
- Je ne pense pas avoir besoin de retourner sur place.

- Vous êtes resté combien de temps?

(C'est si important ? Commence par voir si les images sont bonnes, non ?)
- Trois semaines, pour entrer réellement en contact avec les gens et vivre à leur côté. (en fait 10 jours mais il faut toujours dire plus, ça fait plus sérieux)

- Vous avez fait ça en numérique ou en argentique?

(Mais qu'est ce que ça peut te foutre ? Tu devrais être capable de t'en rendre compte toute seule, qui plus est. Ou alors c'est juste pour faire la conversation.)
- En numérique. Aujourd'hui, c'est le meilleur moyen pour éditer un reportage (en fait, j'avais plus une thune pour acheter des films, le dernier mag' pour lequel j'ai bossé ne m'a toujours pas payé.)

(Elle regarde les images)
- Pourquoi vous n'avez pas fait des portraits? C'est bien les portraits...

(Je fais ce que je veux)
- Ma démarche était de suivre ces personnes. Je voulais donner de l'importance à l'action. (je suis sûr que si j'avais fait des portraits, elle m'aurait posé la question inverse.)

- C'est dommage parce qu'on aimerait bien voir des portraits... Et puis je ne suis pas sûre que cela corresponde à notre ligne éditoriale... Les images sont bonnes, bien sûr, mais le rédac-chef ne voudra jamais d'un sujet pareil... C'est trop précis pour nous, anecdotique, les lecteurs ne comprendraient pas... vous voyez ce que je veux dire ? Si on voulait passer ça, il faudrait une image d'un enfant en train de pleurer devant une école, pendant qu'un religieux prie en arrière plan et qu'un incendie enfume le ciel... Mais on n'a pas d'argent pour produire... vous voyez...?

(Vous prenez les lecteurs pour des cons, en fait)
- oui, je vois...

- Vous avez essayé de présenter votre sujet à [—] ? je suis certaine que ça pourrait les intéresser...

(tu veux me planifier mon agenda ?)
- Ils n'en veulent pas...

(feignant la surprise)
- Ah bon ? De toute façon, ici, c'est la crise... houlala, vous savez, c'est pas facile, moi si je propose quelque chose on m'écoute à peine.

(Allez, raconte-moi ta vie)
- Ah, oui en effet, ça n’a pas l’air facile… Sinon, j'ai un autre sujet, là, sur les réfugiés soudanais au Tibet... C'est une série de portraits, ça devrait vous plaire...

- Désolé, mais si je dois défendre un sujet qui se passe au Tibet, je défendrais plutôt le boulot d'un autre photographe dont j’adoooooore le travail...

(…Il a couché, lui ? )
- Eh bien, merci, à bientôt, j'espère!

vendredi 24 octobre 2008

Icono mon amour


Jour 1.

Salut [—],
Comme promis, voici le briefing concernant l'image pour [—]. Bon, je te la refais courte, il s'agit de [...] proposer quelque chose pour suggérer la crise de la quarantaine. Tu m'avais parlé de [—], l'idée me plaît beaucoup. Par contre, on est archi-serrés pour la deadline, il me faut quelque chose pour demain ! Allez, au boulot ! ;) Je compte vraiment sur toi, hein, tu es seul sur le coup et je suis sûre que ça va plaire à tout le monde, ici. [...]

Salut [—],
Voilà l'image en question en basse def. Si ça te convient, dis-moi. Si tu veux que je cherche autre chose, dis-moi aussi [...]

Jour 2.

Salut [—],
On est demain, je viens aux nouvelles. Tu as bien reçu mon image ? Ça te va ?

Jour 3.

Salut [—],
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ?

Jour 23.

Salut [—],
Tiens, c'est marrant, j'ai vu que [—] était sorti. Pas mal, l'image choisie. C'est Corbis. C'est pro.
À Bientôt.


lundi 20 octobre 2008

France infos

Un jour passé, v'la-t-y pas que je me fais licencier d'un journal qui me payait certes assez chichement, mais qui était mon principal employeur. Case ANPE, donc. Classique. Le mec derrière son bureau entend "journaliste" dans ma bouche et m'impose aussi sec un rendez-vous avec le responsable du personnel d'un quotidien régional. Faut justifier une recherche active d'emploi, monsieur !

Ce responsable, fort sympathique malgré sa gourmette qui transpire le catéchisme, me propose de devenir correspondant local de presse. Grosso-modo, ça consiste à photographier et faire un article sur les matches de foot des poussins de l'AS X., sur le centenaire de la mamie Y., sur la matinée "boudin à la chaudière" de l'amicale bouliste Z. Il me fait une confidence avec, je crois me rappeler, un léger clin d'oeil : "Faut bien que tout le monde soit sur la photo, comme ça, ils achètent tous le journal le lendemain !". "Combien ça paye ?" (Il a même pas demandé à voir mon bouque... normal que je sois moi aussi hautin...) Ah... ben, c'est 5 euros l'article et 3 euros la photo publiée. Si c'est pas publié, c'est pas payé. Faut faire une facture d'honoraires tous les mois. (...) Après un court silence pendant lequel je prends sur moi de ne pas le décapiter avec mon bouque, je lui fait remarquer que je possède une carte de presse. Ah oui, mais là ça compte pas ! 
Je ne me souviens pas lui avoir dit au revoir. Ca tombe bien, je l'ai jamais revu.

Hier, j'ai rencontré un copain - correspondant local de presse aussi - pour un hebdo local (qui fait surtout son beurre en publiant des annonces légales en dernière page). Il prend sa retraite  et me demande si ça m'intéresse de prendre sa relève : "tu connais bien la région et les gens...". Je lui demande combien ça paie (temps de crise = communication directe !). "On m'offre une bouteille de champagne à Noël !" me répond-il !

Travaillez plus pour ... !

vendredi 17 octobre 2008

Crépuscule des idoles [2]

En repassant le lendemain [voir post précédent] dans le bien beau bâtiment où travaillent de grands esprits, j'attends la conférence de Claude Hagège. Lui aussi, il attend. Le conférencier précédent est en retard. Stupeur. Claude Hagège, cet homme que j'admirais, ce pur esprit au-dessus des basses contingences humaines, ce symbole de la vie intellectuelle française, Claude Hagège a remis les mêmes chaussettes que la veille. Soit il est sale, soit il en possède plusieurs paires. Je ne sais pas. Mais depuis, je ne dors plus.

jeudi 16 octobre 2008

Crépuscule des idoles.


L'autre jour, je passais dans un bien beau bâtiment dans lequel on trouve parfois de grands esprits au travail, et je suis tombé sur Claude Hagège. Linguiste de génie, ce type m'a toujours impressionné. Enfin, ses livres. Mais, là, en vrai, comment dire. Oubliées, les oeuvres, oublié, le génie. Ne reste que cette paire de chaussettes. Impossible de me l'ôter du crâne. C'est terrible. Terrible.

mardi 14 octobre 2008

Photo N°453. J'en ai mis partout.

J'aime bien Photo. Un vrai journal bas-du-front avec un alibi culturel. Idéal. Ce qui est intéressant avec ce magazine, c'est de constater à quel point il fait du trash sans en avoir l'air et à quel point il est représentatif de la presse dans son ensemble. Témoin, ce magnifique numéro d'octobre 2008, entièrement consacré à l'immmmmmmmense Patrick Demarchelier. Oui oui, un numéro entier consacré à un seul photographe. Sa vie, son oeuvre, sa femme, ses dents, sa maison, tout, quoi. Rendons à Mussolini ce qui appartient à Mussolini, Patrick Demarchelier fait partie des bons. Entendre, c'est un excellent photographe de mode. Souci, on confond souvent mode avec art, pub avec créativité, politique avec sincérité. En l'occurrence, Patrick Demarchelier est un excellent photographe de mode. Point. Que le Petit Palais lui réserve une expo, très bien, parfait, rien à dire. Que Photo lui consacre un numéro exceptionnel pose plus de problèmes. D'abord parce que l'actualité photo au sens large ne se limite pas au seul Demarchelier, ensuite parce que Photo ne fait pas du journalisme, mais du publi-reportage (une attitude de plus en plus fréquente et inquiétante, ne serait-ce que d'un point de vue déontologique. J'entends déjà la rédaction de photo - deux pelés - éclater de rire. Qu'est-ce qu'il a dit ? Déontologique ? Ah ah ah). Que le rédac-chef de Photo soit pote avec Demarchelier, pas de problème, qu'il fasse un catalogue lèche-cul vendu en kiosque à l'intention de son copain c'est plus gênant. Enfin, signalons au passage que le publireportage a un intérêt : on ne paye rien. Comprendre : Demarchelier (ou son agent/attachée de presse/représentant sur terre - rayez la mention inutile) donne ses photos pour publication. Vous ne croyez tout de même pas sérieusement que Photo a payé pour publier ces images ? Non, pas sérieusement, quand même ? Bilan, tout bénef pour le magazine. Un chouette numéro qu'on va vendre pareil, qui va resserrer les liens avec nos copains, avec plein de chouettes filles toute nues (et les seins de Cindy Crawaford, tu te rends compte ? Les seins de Cindy Crawford), tout ça pour pas un rond. Pourquoi on se gênerait, hein ? Comment tu crois que Photo survit au milieu du marasme de la presse en général, hein ? Ah oui, tout de suite, on comprend mieux. Ami lecteur, tu le sauras. Photo est un catalogue, pas un journal.
La Pravda, quoi.
(sinon, en prime, on vous offre la photo de Diana assise sur une botte de paille, genre fermière, magnifique. Sous Thatcher, hein, on vous le rappelle.)
Respect.

vendredi 10 octobre 2008

Visa pour l'image, un mois après [1]


Que retient-on de Perpignan, cette année?
Visa fêtait ses 20 ans. Alors du coup, on s'attendait à encore plus de morts et encore plus de champagne... Ceux qui n'ont pas l'habitude d'y aller ne savent pas forcément que, chaque année, le champagne coule à flots gratuitement lors de la soirée sponsorisée par la même firme qui organise des super voyages de presse (lire plus bas), Canon.
Mais en fait, non. La méga-fête de fermeture a été annulée pour cause de pluie. Pour une fois, les photographes pauvres, les icônos branché(e)s, les commerciaux des grandes agences et toute la grande famille qui fait du photojournalisme son fond de commerce n'ont pas pu se déhancher en buvant à l'oeil. Et pourtant, ils en avaient grandement besoin... Une semaine professionnelle à Perpignan, ce n'est pas de tout repos...Enfin, ça dépend pour qui...
Arrivée : paf ! On est ponctionné de 60 Euros ! Jean François Leroy (gentil organisateur en chef) avait l'habitude de dire "avec ce que vous buvez le samedi soir, vous allez pas vous plaindre," Mais cette année... On s'est juste fait carotter... Bon... Ensuite, on nous met un badge autour du cou et un bracelet fluo à garder jusqu'à la fête de samedi pour éviter les happy fews resquilleurs... C'était déjà con avant, cette année, c'est pire... Mais on n'est pas là pour faire les râleurs, alors, hop, Levé avant 8 heures tous les jours pour avoir droit au petit dèj. gratos (café+ jus d'orange)... Si on est photographe indépendant, la chasse au badge commence... Celui-là, il a un badge rouge, photographe, je m'en fous... Mais celle-ci a un badge bleu... Houlala, le Time... Il faut absolument que j'arrive à lui montrer mon travail sur les réfugiés du Soudan au Tibet, mais elle n'a pas l'air commode quand même... J'attends qu'elle voit les 7 photographes avant moi, en fumant clopes sur clopes et en buvant 2 litres de café... Après, 2 heures d'attentes, la dame a les yeux fatigués... Elle prend mon tas de 40 tirages 20 x 30 et les feuillette comme s'il s'agissait de dossiers à classer...
1'30'' chrono, elle a finit de regarder et me tend ce que j'ai mis un mois à éditer avec un sourire silencieux... Suivant...
Mais quand même on est à Perpignan, "le plus grand festival de photojournalisme", alors du coup on croise des rédac-chefs de grands magazines prestigieux... Tiens, celui-là m'avait appelé une fois (j'étais ému, ça n'arrive pas tout les jours), mais c'était juste pour me piquer un sujet... Maintenant, il me fait un sourire gêné et me dit bonjour du bout des lèvres...
Quand on veut se détendre, on va voir une expo... Cette année la plus grande expo est sur... Des éléphants... De profil, de face, en groupe, des trompes... Moi je me dit que c'est pratique, le développement durable, parce que ça permet d'exposer des trucs nazes... Mais bon, les goûts et les couleurs... Alors, je vais voir le World Press... Ah! tiens, cette année, c'est moins ridicule que l'année dernière... En 2007, le jury ne s'était pas abaisser à regarder en grand les images, du coup, on pouvait observer d'assez loin les traces de compression jpeg et autres pixelisation... Cette année, ils ont bossé un peu plus, c'est bien...
Le soir, projection... Et ça, c'est beau, en général, quand même... Mais... Il y a les commentaires des journalistes avant les photos...Et ça, c'est insupportable... Sous couvert d'objectivité, leur discours est péremptoire, moraliste, mielleux, centre-droit ou avarié centre-gauche, sans analyse et pour couronner le tout souvent complètement à côté de la plaque... "La Turquie fait peur avec ses islamistes"... " Le dictateur Hugo Chavez..."
Si quand on sort on ne vomit pas, c'est qu'on n'a pas encore mangé.
Forcément, je pourrais en raconter bien plus, mais je me le réserve pour d'autres posts...

Un Directeur Artistique, une balle.



Tous les photographes connaissent des directeurs artistiques, des super-graphistes, en quelque sorte, à qui revient, comme leur nom l'indique, la responsabilité artistique de la séance de prise de vue. Quand on photographie des poissons morts pour la grande distribution, par exemple, c'est très important. Poisson mort ou connasse à poil, c'est pareil, il faut un directeur artistique. Il faut un DA. Sans DA, on travaille pas. À l'usage, on constate souvent que le DA, censé maîtriser au moins les outils graphiques de base (Photoshop, par exemple) et posséder un minimum de culture de l'image, connaît à peu près que dalle. Ce qui ne l'empêche évidemment pas d'ouvrir sa gueule. Si, malgré tout, on réussit à fourguer une photo, le DA renvoie souvent ce genre de mail :

Le DA :
Cher [—],
Je reviens vers toi pour un problème de taille d'image. Le CD que tu m'a fourni est très bien, mais les photos sont en basse def, on s'était pourtant mis d'accord pour des hautes def. TOUTES tes photos sont en 72 dpi. Moi, je ne peux rien faire en 72 dpi, il me faut du 300 dpi [...]

Le photographe :
Cher [—]
Dans Photoshop pour les nuls, tu trouveras la solution à ton problème. Les images fournies sont en haute def. Si tu ouvres les yeux, tu constateras qu'à 72 dpi, tu peux imprimer en 237x237 cm, ce qui devrait suffire pour ton catalogue à la con. En attendant, apprends ton boulot.
Cordialement,

Le DA :
Merci de le prendre comme ça. Je ne crois pas qu'on retravaillera ensemble. En attendant, je ne comprends rien à ce que tu écris. Tes images sont en 72 dpi. Comment veux-tu que j'imprime quelque chose en 72 dpi ????
[...]

Le photographe :
[...] Effectivement, on ne retravaillera pas ensemble. Demande à la maquettiste de t'expliquer. Elle gagne 7,3 fois moins de thune que toi, mais visiblement, elle a des compétences que tu n'as pas.
Au plaisir,
[—]



Presse : dormez, ça roule

Canon est depuis longtemps le champion, toutes catégories confondues comme on dit, des voyages de presse. Sitôt un nouvel appareil plus ou moins identique au précédent (la marque est également championne du recyclage technologico-marketing) en passe d'être dévoilé aux yeux des amateurs ébahis et voila que les invitation fusent auprès des journalistes "qui font l'opinion". Direction Cuba, le Kenya, une station des Alpes, etc. Parfois, un grand photographe (célèbre) que la marque sponsorise est présent. Ca en jette.
A l'aéroport, les journalistes (presse photo, magazines grand public et canards branchés) se retrouvent avec des sourires mielleux, tout en feignant d'être là pour travailler... et partir en investigation pour obtenir des informations que les marketeurs maison leur serviront, avec condescendance, sur un plateau doré.
Après 3 ou 4 jours à se gaver la panse (pas la pense) et à subir un lavage de cerveau en règle, ils repartiront avec un petit cadeau maison (appareil photo, parure de stylo, etc.) On reparlera dans ces pages du fait qu'il existe des journalistes qui refusent les voyages de presse (sans parler des cadeaux dont on peut discuter les enjeux). 
Et puis, en février 2003, conférence de presse en Bourgogne pour la présentation du nouvel énième EOS (daube dont j'ai oublié le numéro mais ça doit finir par "D"). A la carte (c'est le mot), un repas chez Bernard Loiseau. Manque de bol, c'est le jour où ce dernier a décidé de se suicider.
Un affront à la marque japonaise leader, un repas sous le nez des journaleux. Depuis, Canon a cédé sa place à Nikon en tête des ventes d'appareils photo en France... mais n'y voyons aucune relation de cause à effet.

jeudi 9 octobre 2008

C'est officiel, Leica est mort.


Toujours en avance sur son temps, notre ami Leica a décidé d'en finir une bonne fois pour toutes. D'abord en sortant un M8 particulièrement inabouti (bruyant, bruité et plutôt ridicule question résolution, du moins pour un usage professionnel tendance art graphique), ensuite en persistant à ne pas proposer de déclinaison numérique à la série R. À la Photokina 2008, par contre, la presse (et le public) a unanimement salué la naissance d'un nouveau système (le Leica S-System) plutôt orienté moyen format. Brillante idée. Superbe. Magnifique. De ce machin hors de prix, on retiendra une seule chose : la concurrence fait déjà beaucoup mieux (Hasselblad, Mamiya, PhaseOne et consorts), et ce depuis plusieurs années. Bref, au lieu d'améliorer la série M (ah pardon, on signale une évolution du M8, le M8.2, pardon, c'est vrai, ça change tout) en proposant le premier appareil télémétrique à capteur 24x36 (par exemple, hein), Leica décide d'entrer dans le marché du moyen format, déjà chargé à mort, comme ça, pour le plaisir. J'ignore la quantité hallucinante d'argent qu'il a fallu investir pour sortir le S-Sytem, et j'ignore d'où sort le génie qui en a eu l'idée, mais à ce stade de l'évolution du numérique, on ne peut constater qu'une chose : Leica est dépassé. Pourquoi sortir un S-System là où les autres font mieux ? Pourquoi ne pas se concentrer sur ce qui a fait leur réputation et améliorer les appareils existants ? Bilan, un gouffre. Dont Leica ne se remettra pas (sauf si leur département imagerie médicale/scientifique éponge les dettes). Je prends les paris.