lundi 31 janvier 2011

Icono mon amour [bis repetita]



Bonjour Monsieur Destroy,
Nous accusons réception de votre facture N°XXX (montant : 800 Euros), mais nous ignorons à quoi elle correspond. En effet, nous ne trouvons aucune trace dans nos archives d'une commande concernant le portait de M. XXX. Sans bon de commande, il nous est impossible de vous régler. Bien à vous.

Bonjour,
Cette facture correspond à la publication d'un portrait de M. XXX dans votre quotidien (mardi YYY, page ZZZ), portrait dont je suis l'auteur. Votre quotidien ne m'a effectivement pas passé commande, mais s'est servi je ne sais où (probablement sur Internet, comme c'est l'usage). Voyez avec le service iconographique. Ma facture, elle, reste valable.
En votre aimable règlement,

Bonjour Monsieur Destroy,
Le service iconographique ignore d'où lui vient cette photo. Il s'agit sans doute d'une mauvaise manipulation d'un stagiaire. Mais sans bon de commande de notre part, il nous est impossible d'honorer votre facture. Je vous invite à prendre contact avec notre service juridique.

mercredi 27 octobre 2010

Photographes = SS

Tu crois que je t'ai pas vu, toi, là, avec ton Fuji 6x9, à faire le malin ? Tu crois que je l'ai pas senti, ton coup de coude, quand j'ai eu l'outrecuidance d'essayer ne serait-ce qu'une seconde de m'approcher pour faire une photo de la banderole, là, à gauche, qu'on voit pas, du coup ? Et toi, là, avec ta casquette ridicule, tu crois vraiment que je ne m'en suis pas rendu compte, quand tu m'as écrasé le pied en te précipitant vers la fille qui criait dans son mégaphone ? Dites, les gars, c'est moi ou les photographes sont de plus en plus cons ? De plus en plus irrespectueux ? De plus en plus inconscients ? On en trouve encore pour se plaindre quand les CRS les matraquent... Quand ça arrive, je rigole toujours. Quoi ? Vous croyez que les flics sont de votre côté ? Ah ah. Pire, quand un jeune vous met une claque parce que vous le photographiez en train de péter une vitrine, vous êtes tout retourné. Vous vous rendez-compte ? Le jeune vous empêche de faire votre travail. C'est scandaleux. L'autre jour, devant le sénat, y avait pas de casseurs. On sentait bien que ça vous ennuyait, amis photographes. Du coup, ça discutait tranquille, ça papotait, ça causait matériel (ya même un type qui est venu me demander si mon Zeiss, ben c'était pas un leica M4P. Je lui ai dit, ben non, c'est rien qu'un Zeiss, il est reparti en faisant la gueule, sans dire au revoir). En tout cas, c'est dommage. La prochaine fois, si jamais je vois un collègue descendu à coups de pompes par un jeune énervé, je crois que j'irai le finir. J'ai des doc coqués. C'est utile.

jeudi 16 septembre 2010

Photographe mon amour.

L'autre jour, j'étais à Perpignan. C'est dingue, la quantité de photographes chauves qui rampent à Perpignan pour quémander un peu d'argent aux directeurs photo présents dans les carrés VIP. Sans doute que la galère permanente pour se faire payer le reportage paru il y a six mois leur fait perdre leurs cheveux, à ces parasites de photographes. Faut dire qu'ils sont pénibles, avec leur look de naze, leurs pompes même pas cirées et leurs jérémiades systématiques. Au moins, dans la photo de mode, on n'a pas tous ces problèmes. Ce matin, dans le métro (ben ouais, je prends le métro, qu'est-ce que tu crois ? Que j'ai les moyens de me payer une bagnole avec ce que j'ai gagné cette année ? Ah ah. Même une mob, je peux pas), à moitié endormi, je suis tombé sur cette affiche, là, pour Le Bon Marché ou pour Vincent Peters, je ne sais plus. Le Bon Marché, je connais bien, j'y vole régulièrement (à la Grande épicerie, c'est très facile, essayez) histoire de mettre un peu de qualité dans mes pâtes Leader Price. Mais Vincent Peters, par contre, connais pas. J'imagine que c'est un grand de la photo, mais je me refuse à taper son nom dans Google, je trouve ça surfait. Non, ce que j'aime en Vincent Peters, c'est cette incarnation du photographe. Ah, ce maintien, ah, ce teint hâlé (ouais, la photo est en N&B, merci, j'ai vu, mais on devine quand même le teint hâlé), ah, cette barbe de trois jours, ah, ce regard lointain, concentré et philosophe, ah, ce grain-argentique-qui-fait-authentique, ah, cet appareil photo tenu comme une belle femme, hmmmmm, tout ça fleure bon le photographe buriné qui en a vu quand il était camionneur au Brésil, dans les années 80, tu peux pas comprendre si t'as pas été. Non, vraiment, j'aime bien. J'imagine qu'avec une tronche pareille, il est photojournaliste trois fois primé au World Press et qu'il a perdu un testicule en sautant sur une mine à Gaza, mais si ça se trouve, il est simplement photographe de mode et il s'est juste cramé le doigt en touchant un projo super chaud, comment savoir ? En tout cas, il m'inspire. Quand je le regarde, je vois ma calvitie, mon compte en banque, mon crédit, ma vie de merde. Même mon appareil photo me déprime, tiens. J'aimerais tant ressembler à Vincent Peters. Je suis sûr que c'est plus facile pour choper des gonzesses. Nous autres, les photojournalistes, on ne peut que choper des iconographes saoules, et il y en a de moins en moins, alors c'est compliqué. Mais lui, il n'a pas tous ces petits soucis. Finalement, entre Gérard Holtz (qui se fout un foulard sur le crâne et qui se laisse pousser la barbe pendant le Paris-Dakar pour faire aventurier) et l'image qu'on se fait du photographe, ben y a pas de différence. Faut une barbe, ya pas. Faut un regard lointain. Si t'es moche et que t'as une tâche de naissance sur le nez, n'essaie même pas.

samedi 24 avril 2010

Les jeunes sont croyants

Je connais des photographes. Plein. Des jeunes, des vieux, des gros, des chauves, des alcooliques, des fumeurs de joints, des malades mentaux, des beaux parleurs, des schizophrènes, des mythomanes, des pauvres, des pauvres qui disent qu'ils sont riches, des riches qui disent qu'ils sont pauvres, des sodomiseurs d'Anthomyiidae, des onanistes cérébraux... mais pas de raton laveur... dommage. Aujourd'hui, j'ai décidé de m'en prendre aux jeunes, ceux qui pensent que l'histoire de la photographie a commencé avec l'invention du capteur.

Dialogue avec un jeune crétin, beau parleur, légèrement mythomane, pas encore chauve mais déjà désenchanté:

- Toi, Destroy, tu prends encore des photos en argentique... c'est un peu dingue, ça, de nos jours !

- Oui, d'ailleurs, je prends des photos en argentique quand je pense que c'est vraiment important, quand c'est une commande dont j'ai rien à foutre je prends en numérique.

- Ahahaha ! T'es vraiment trop, toi... ça te sert à quoi?

- À garder des négatifs... Je ne suis pas certain que les fichiers numériques d'aujourd'hui seront encore lisibles demain... La photo, ce n'est pas uniquement pour représenter le présent, mais aussi le passé.

- Mais c'est pareil ! Tu crois que tu pourras encore faire des tirages quand Ilford aura coulé ?

- On trouvera bien un moyen, on fera notre chimie nous même et puis mon agrandisseur, il a pas besoin de mise à jour pour fonctionner avec Windows machin. Je préfère avoir un objet tangible qu'un fichier numérique virtuel.

- Un objet tangible ! Mais c'est chiant de développer, de faire des tirages ! Et puis au niveau qualité, aujourd'hui les fichiers numériques donnent des résultats aussi bons que n'importe quel argentique...

- D'abord ça ne change rien à ce dont on parlait avant. Ensuite, ça se voit que tu n'as jamais essayé de faire des photos au moyen format... Ce n'est pas que les photos soient meilleures au niveau qualité, c'est que le rendu est complètement différent.

- Mouais, mais bientôt, avec Photoshop on arrivera à la même chose.

- Tu crois qu'Adobe existera encore dans plus de 50 ans ? Tu n'as pas remarqué que ces trade marks sont aussi éphémères que tes Nike ? Tu ne crois pas que certaines photos méritent mieux que ça ?

- Ouahh, si on t'écoutait, on ferait encore des daguerréotypes !

- Pourquoi pas ? Toi, de ton côté, tu crois en la technologie comme on croit en Dieu.

- Ouais, c'est chiant comme discussion, je retourne jouer à la playsation.


mercredi 10 mars 2010

2010, année du rire.

Un ami photographe (il m'en reste, si si) me fait suivre cet échange de mail remarquablement instructif. Je le reproduis ici dans la mesure où il m'est arrivé la même chose une bonne dizaine de fois. Et pour une fois, je vais citer mes sources: le site web fautif, c'est un site culturel pseudo-indé appartenant au groupe Lagardère (une entreprise à but non lucratif, comme chacun sait). Vous ne voyez pas ? Vraiment ?

Bonjour,
Je découvre votre article concernant le récent livre de XXX.
Je vois que vous avez publié l'un de mes portraits et — n'ayant jamais travaillé avec vous — je souhaiterais savoir à qui je dois envoyer ma facture.
Bien cordialement,

Bonjour,
Pardonnez-nous pour cette erreur. Nous utilisons d'ordinaire les photos fournis par les éditeurs ou libre de droits. Celle-ci a été intégrée et publiée sans vérification. J'ai immédiatement retiré la photo.
Je vous prie de bien vouloir nous excuser pour cette négligence.
Bien cordialement,

L'orthographe de la réponse est d'origine. Et maintenant, sous vos yeux ébahis, je vais vous traduire la réponse :

Salut l'emmerdeur,
Ouais, désolé, tu sais ce que c'est hein. D'habitude, on prend n'importe quelle photo sur le net sans en avoir rien à foutre, hein, ça coûte rien et personne ne s'en rend compte. Sauf quelques connards dans ton genre, mais dans ce cas, pas de souci, on enlève et tout le monde est content, pas vrai ? Allez, retourne jouer, maintenant, j'ai du travail.


mercredi 17 février 2010

Icono mon amour (again & again)

Merci beaucoup Destroy pour ces images, elles sont superbes ! Faut-il ajouter une signature ?
Bien à vous.

Content qu'elles vous plaisent. Oui, bien sûr, la signature est obligatoire. Mettez tout simplement "Destroy Photo." Par contre, je ne vous ai envoyée que les basses definition. Quelle est votre grille tarifaire ?

Bonjour Destroy, je suis désolée, mais vos photos ne conviennent plus. Elles manquent de force, par rapport à notre sujet. Bien à vous.

jeudi 11 février 2010

L'autre jour, j'ai fouillé dans mon cul.


Aujourd'hui, j'ai décidé d'être grossier. Les photographes sont mal habillés, sales, bêtes et gentiment réacs, alors pourquoi pas grossiers ? Après tout, j'appartiens à une corporation saine et virile qui possède la particularité — surtout ces derniers temps — de se mettre des tas de trucs dans le cul avec le sourire. Hier, par exemple, je me suis mis une pige dans le cul. À la place, j'ai eu une facture Agessa. Avant-hier, je me suis mis un chèque dans le cul. À la place, j'ai eu un couplet sur les difficultés financières traversées par le journal. La semaine dernière, c'est plus original, je me suis mis un iPhone dans le cul. J'étais à une conférence de presse sur un truc super important couvert par tout un tas de journaleux jeunes et précaires. Essentiellement venus du Web, d'ailleurs, les princes du papier sont plus vieux et ne se déplacent plus, surtout quand yen-a-plein-du-ptit-jeune près à passer la journée pour 12 Euros, pondre un papier impeccable, le corriger tout seul, le mettre en page tout seul et le mettre en ligne tout seul dès que le rédac-chef aura fini son café. Eh oui, c'est ça le nouveau journalisme. Faire tout tout seul, sans personne, de toute façon qui lit les pages web d'un journal, hein, qui ? Honnêtement, on s'en fout. Du coup, j'ai vu une jeune et jolie journaliste écouter le type qui parlait, là, sur l'estrade, avec beaucoup d'attention. Moi je n'étais pas loin, à faire clic-clac avec mon 70-200 f:2,8 dont le paiement est échelonné sur 24 mois (plus une dent en or), et puis j'ai vu la jeune et jolie journaliste sortir son iPhone, faire quelques photos avec et... ah oui, merde, ils font ça aussi... et filmer la conf. On imagine sans peine la qualité de la vidéo, prise d'assez loin, sans pied avec une lumière vraiment très chouette. À la fin, je me suis approché de la fille qui m'a pris d'assez haut (je suis photographe, je le rappelle, donc suspect. C'est à cause de moi que les journaux n'ont plus d'argent et je n'hésite jamais à faire le vautour en photographiant un noir à moitié mort de faim qui rampe dans la boue vers le convoi de la Croix-Rouge) et qui m'a quand même avoué que oh bon, oui, ça suffit pour le web, puis ça illustre bien.
Je me suis dit que j'allais changer de boulot, finalement.